La gourmandise est un vilain défaut, venir grignoter entre les repas, venir ouvrir un frigo pour attraper la plus belle part de tarte en pleine après midi pour se redonner le gout des choses, sans perdre le moral au travail. Mais stop, ici s’arrête le vice, enfin presque …
Pour moi, un second vice arrive, celui de venir palper l’ambiance de nos vins nouveaux. Entendez par là ma volonté d’ouvrir la porte de la cave, pour attraper la pipette, puis ensuite, à l’aide de mon verre (et de ma dextérité !), plonger cet outil fort pratique dans les fûts, pour en retirer le doux nectar de 2008. Jusqu’ici, je me l’étais interdit (ou presque).
Aujourd’hui fût donc le jour de la dégustation. Ce jour sonne la fin des fermentations alcooliques (je ne parle pas des quelques vins fainéants qui, je le sens bien, sont à l’aise dans leur condition actuelle ...), je parle des vins qui ont fini leur effervescence, pour venir se reposer.
Et c’est à ce moment précis que j’interviens, un peu comme votre compagne qui vous demande si vous dormez, au tout départ de votre sieste, ou du coup de téléphone qui retentit alors que vous êtes déjà de 10 minutes en retard à un rendez vous. Aujourd’hui, l’ennuyeur, c’était moi ! Mais pressé de découvrir mes nouveaux amis de l’année 2008, jeunes de quelques mois, je me suis lancé, et la volonté de résister à la gourmandise n’était définitivement pas au rendez vous.
La découverte a commencé avec la parcelle des Orizeaux, l’une des plus anciennes parcelles de notre exploitation. Le pinot noir se développe ici avec un charme non caché, une belle finesse au nez, aux notes de pêches, de fleurs … En bouche, je retrouve ce vin distingué, presque timide encore face au froid de la période, le potentiel est là, mais sa sensation de fraicheur en bouche et la température dans laquelle il évolue, me montrent qu’il s’agit bien d’un timide, qui préfère se coucher l’hiver, pour reprendre son travail dès que le soleil réchauffera le village.
Vint ensuite la parcelles des Barres, des côteaux sableux du sud de Merfy. Ce sont des vignes plantées il y a maintenant une soixantaine d’années, en « Franc de pied », entendez par là non greffées, comme les vignes que nous trouvions partout sur nos terres avant l’arrivée du phylloxéra. Comme à leur habitude, le côté austère de ces vins occupe mon nez. Un signe dominant face aux vignes greffées, comme pour s’affirmer face aux nouvelles vignes de France. La personnalité de ces vins ne peut laisser indifférent, après quelques minutes à l’air, ce vin se dévoile, et s’impose par des notes de cuir et un côté animal (rien à voir avec la Syrah du sud, mais en comparaison avec les vins de la région …). En bouche, ce dernier s’impose comme le bonhomme, le monsieur que l’on écoute et que l’on déguste. Une bouche ample, qui marque le palet pendant de nombreuses secondes, un régal !
Les couarres du château fût le troisième vin de ma rencontre, la pipette baissée puis relevée, j’ai vite remarqué que les lies étaient en suspension … Ce vin avait tout l’air de travailler encore pour finis sa fermentation alcoolique … A ce moment précis, je me suis très clairement dit : Alexandre, tu déranges ! Comme le mal était fait, je me suis tout de même permis de venir gouter ce vin … Des notes florales encore une fois, mais beaucoup moins fines que sur les orizeaux, avec une tendance à prendre l’air pour s’épanouir. Je n’ai pas mis ce vin en bouche, ca n’est pas mon travail de manger le sucre naturel restant dans le vin, c’est celui des levures !!
Pour finir (Il faut que j’aille travailler tout de même …),
j’ai choisi les alliées, une parcelle de Meunier plantée il y a 40 années sur
un léger coteau composé d’argiles et de sables calcaires mélangés. Pour
mémoire, mes parents n’avaient pas jugés intéressante cette parcelle pour un
assemblage ou un parcellaire spécifique, alors qu’aujourd’hui … ce fût mon coup
de cœur. Les notes d’agrumes m’ont tout de suite impressionné, une présence
olfactive qui ne nécessite pas de porter le verre à son nez, pour l’entendre et
le comprendre. Des notes d’agrumes, de passion qui ont tout de suite coupé mes
émotions. Je ne pensais plus, les analyses du vin étaient finies, le vin était
là, et la discussion n’avait qu’un sens et un seul conteur. La bouche suivait
ce nez puissant et fin, le vin occupe toute la bouche, une sensation de finesse
en début de bouche, puis une explosion sur les joues, pour finir par une finale
longue et précise. A me demander si ce vin était vraiment de l’année 2008, par
de jeunesse tellement la complexité de ce vin se faisait ressentir.
De là, je suis reparti, en vérifiant que la porte des fûts était bien fermée, avec un sourire aux lèvres, celui qui rend mon métier si passionnant et privilégié.
C'est bien appétissant de voir ces vins nouveaux tirés à la pipettes directement des tonneaux.
Ca donne bien envie de goûter.
Quelle chauffe tu as choisie pour les barriques de Cauroy ?
Amitiés champagnardes,
Francis
Rédigé par : Francis Boulard | 26 novembre 2008 à 06:58