Pour l’homme, la vie de nos sols se résume aux vers de terre. Il nous est facile d’imaginer la chaîne alimentaire des animaux carnivores, mais ce qui se passe sous nos pieds, cela, l’Homme n’y porte que très peu d’importance. Ce sol, que nous foulons quotidiennement, est peuplé de plus d’habitant que la terre compte d’humains. Mais ce monde microscopique, et désagréable à l’œil, ne nous intéresse pas, et intéresse encore moins la science.
Hors, même s’il ne s’agit pas directement de notre survie, ces sols viticoles ont une importance fondamentale dans le goût des choses qui, en un sens, est bien l’un des plus beaux plaisirs qui nous est donné d’expérimenter au quotidien. Les micro organismes présents dans ce sol, offrent à la plante une nutrition riche dans un milieu aéré et bien structuré. C’est tout un travail microscopique qui s’opère sous nos pieds, tandis que nous, humains, pensons plus à notre confort et aux minutes que nous gagnerons au quotidien, pour nous précipiter vers les dernières nouvelles scandaleuses ou ridicules que nous offre la télévision.
Nos scientifiques ont pensé à notre dos, en inventant des produits à appliquer sur nos sols, pour éliminer les herbes sans même avoir à descendre de nos machines. Mais après réflexion et quelques études basiques et visuelles, nous pouvons facilement nous rendre compte de l’effet néfaste de ces produits sur le fonctionnement même de nos plantes. Les produits, en éradiquant les herbes, n’oublient pas la population de nos sols, qui n’est plus capable de fournir assez de nourriture à nos plantes, tout cela dans un sol compacté par le passage des machines, et par le non fonctionnement des racines d’herbes. Dans ce cas, les racines des plantes en général, et des vignes en particulier remontent à la surface, pour préférer les compléments nutritifs chimiques basiques qu’offre le paysan d’aujourd’hui.
Claude et Lydia Bourguignon, deux spécialistes de nos sols, viennent à la maison une fois par an pour faire un trou, et étudier la vie microbienne, l’aération des sols de chaque parcelle, la perméabilité, l’épaisseur des argiles, etc. Cela me permet de pouvoir gérer mon travail, le faire évoluer de manière à donner à mes vignes, la possibilité de grandir dans un milieu riche et révélateur de la parcelle sur laquelle ils sont installés, sans utiliser ces produits inutiles et néfastes. Car c’est bien ce caractère singulier d’une vigne et de son nom qui sont importants dans le vin. Nous ne recherchons pas le raisin d’une plante, d’un cépage, mais bien d’un milieu, d’un environnement très personnel qui porte un nom, celui d’un morceau de nature, différent de son voisin. La plante traduit ce que le sol lui fournit, par un vin dont la typicité est « singulière ». Le cépage n’est pas le seul facteur descriptif du goût de nos vins, il influence uniquement l’orientation de ce goût, mais ne le définit pas …
Ce que Claude et Lydia me permettent de découvrir et de comprendre, est tout ce que l’homme a besoin de connaître pour travailler sa vigne. Ils sont en quelque sorte les docteurs savant de nos sols, et font parti des dernières personnes à pouvoir définir le sol, et surtout sa population microbienne avec exactitude. Nos scientifiques actuels s’empressent d’étudier la plante, sans comprendre que le sol est nécessaire à cette dernière, alors que Claude et Lydia prennent tous les facteurs en compte, pour faire fonctionner la nature selon sa propre volonté.
J’ai pris quelques photographies pour que l’homme n’oublie pas que les racines de vignes sont bien verticales, et extrêmement profondes. Que l’horizontalité des racines de la vigne qui peut être constaté suite à une intervention maladroite et polluante de l’homme dans ses vignes, n’est pas la vraie nature, qu’ils ont juste en face d’eux une plante malade, incapable de dépasser les 40 années de vie, et incapable aussi de révéler le vin magnifique que nos ancêtres étaient parvenu à présenter au monde. Ne pas utiliser d’herbicides, c’est avant tout se redonner le goût de nos terroirs, de nos villages, pour nous offrir une richesse parfois oubliée, celle de la table.
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