Nous débutons par les parcelles Sud du village, les plus proches de la ville de Reims, d’où nous pouvons contempler le fourmillement de la grande ville. Au centre de ce fourmillement, nous apercevons la cathédrale où furent sacrés les rois de France, et au loin, notre œil peut distinguer plusieurs villages du sud de la montagne de Reims et leurs coteaux qui nous regardent.
Ces premières vignes du village sont plantées sur des sols sablonneux calcaire, dits du Thanécien. Ce même sable repose sur la craie qui se trouve à plusieurs mètres de profondeur, obligeant ainsi les racines à descendre en profondeur pour sucer ce calcaire singulier de notre région. En fonction de la parcelle, ce calcaire change, et le sable se fonce, s’habille de pierres, ou s’éclairci au premiers rayons de soleil.
La première parcelle que rencontre le marcheur est la vigne des Beaux Sens, une parcelle de plus de cinquante années plantée sans greffe, qui n’a pas subit le phylloxera. Le village a malheureusement subit la première guerre mondiale, et toutes les parcelles ont été replantées après la seconde guerre, soit dans les années 1950 – 1960. Ici, le sol est délié, le pas de l’homme s’enfonce dans son sol non compacté comme pour garder le souvenir de celui qui s’y est promené.
Ici une photo prise de mon pas dans le morceau de parcelle planté l'année passée.
Cette vigne de Meunier s’épanouit lentement sur ce sol chaud, elle signe ses vins de sa fragilité. La vigne des Beaux Sens se montre souvent capricieuse, elle explique à l’homme que son expérience de vie doit être prise en compte, et exige de ce dernier une présence accrue pour freiner son envie de faire autant que les vignes plus jeunes qui l’entourent. Les vins sont à l’image de cette parcelle, des monuments d’expérience, de saveur et de d’opulence. Ils demandent plus d’attention que n’importe quelle autre parcelle, ils sont fragiles, comme s’ils donnaient toute leur force dès leur apparition, en s’empêchant alors de se protéger lors de la période d’élevage. Ces vins apprécient l’air, mais donnent beaucoup trop dès leur début de vie pour supporter un long élevage dans les fûts. Si la parcelle me donne des raisins l’année prochaine, ses vins seront placés dans les œufs de ciment, pour leur laisser la liberté de s’aérer, tout en freinant ses ardeurs. Cette vigne française sans greffe, plonge ses racines dans un milieu plus froid que le sable de sa surface. Les 80 premiers centimètres de sol sont constitués du sable thanécien, puis apparait l’argile dure et calcaire, d’une couleur gris / bleu. De nombreuses racines de taille moyenne partent du pied de vigne pour aller se loger dans cette roche sédimentaire. Ci dessous, une photo de la roche et du sable, où l'on peut apercevoir les traces des racines de la vigne.
Quelques dizaines de mètres plus loin, en suivant la route qui longe les parcelles de sable, nous rencontrons « Les Barres », notre parcelle la plus âgée, qui dépasse la soixantaine. Tout comme sa voisine des Beaux Sens, Les Barres abrite une vigne francaise, qui n’a pas connu le phylloxera et ses ravages sans retour. Cette parcelle est beaucoup plus sage, son évolution beaucoup plus constante, sans complexes ni maladresse. Cette vigne de Meunier est bien plus pentue que la parcelle des Beaux Sens, son regard suit le soleil toute la journée, et ses raisins s’illuminent et se réchauffent du matin jusqu’au soir. Le sol est ici bien plus fin, ce sable moins orangé glisse entre les doigts de l’homme qui y aventure sa main. Les racines n’ont pas eu de mal à descendre à plusieurs mètres de profondeur. Les petits raisins que nous offre Les Barres créent des vins sans pareil, d’une suavité exemplaire, puis suivent ensuite des notes épicées qui jouent avec l’iode naturelle que l’on retrouve dans les vins de Merfy. Comme la vigne, les vins des Barres sont constants et sans surprise, ils grandissent avec franchise, et s’épanouissent dans les fûts lorsque l’année est généreuse en soleil. Des vins de Printemps ou d’Automne, qui apprécient d’être découverts dans une atmosphère calme et sombre, sans excès de températures extérieures, et souvent après une période d’adaptation à son dernier lieu de vie. Ceux qui ont acquis la première cuvée Des Barres, devront souvent attendre quelques minutes, plusieurs heures, ou une journée bouteille ouverte juste coiffée de son bouchon, pour lui laisser le temps de s’imprégner de l’histoire et de l’atmosphère du lieu. Cette parcelle de vignes franches s’alimente différemment de la parcelle des Beaux Sens, le pied de vigne développe une grosse racine principale plongeante, verticale, qui va puiser en profondeur dans un milieu plus froid et riche que le sable de surface. Ce sable est quant à lui bien plus présent que dans les Beaux Sens il constitue une couche de plus de 2 mètres de profondeur. Les racines quant à elles, plongent bien plus profondément, je ne suis pas parvenu à creuser assez pour trouver la roche crayeuse sur laquelle viennent se reposer les racines.
En repassant ensuite devant les Beaux Sens, pour s’orienter vers le village, le visiteur découvre une vigne en surplomb, son emplacement nous fait tout de suite penser à un clos, bordé par les murs de pierre des maisons qui la regardent, cette parcelle impressionne, et donne l’impression de surpasser les autres parcelles du village par sa vigueur et son entrain. Souvent en avance sur les autres parcelles du village, cette vigne plantée en Chardonnay il y a 35 années plonge ses racines dans un calcaire directement accessible, accompagné de sables « rouges » et d’argiles à forte surface interne. La vigne s’y sent bien, et ses racines y sont bien plus lentes, l’enracinement plonge à un peu moins de deux mètres, et ne fait que peu d’efforts chaque année pour aller visiter plus bas. Sa végétation est quant à elle bien plus vigoureuse, comme pour montrer à l’’homme qu’elle est la belle et impressionnante vigne du village. L’équilibre entre la surface aérienne de la plante, et souterraine (racines) se retrouve dans les vins. Ces derniers, utilisés pour élaborer la cuvée Fiacre, sont toujours impressionnants d’équilibre entre la richesse du sucre, et la fraicheur de l’environnement. Une touche saline et une pointe d’amertume rappellent le calcaire du Chemin de Reims.
Un plan pour s'y retrouver ...
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